De Lisbonne à Kingston, la France doit passer de la parole aux actes!

Date: October 27, 2022

Déclaration commune des ONG

Les ONG lancent un appel au gouvernement français pour ‘mettre un réel coup d’arrêt à
l’exploitation minière en eaux profondes’ et concrétiser la déclaration du président
Emmanuel Macron à Lisbonne.


Le 30 juin dernier Emmanuel Macron déclarait à Lisbonne, à la conférence des Nations
unies pour les océans : « Je pense que nous devons élaborer un cadre légal pour mettre un
coup d’arrêt à l’exploitation minière des fonds en haute mer et ne pas autoriser de nouvelles
activités qui mettraient en danger les écosystèmes océaniques. » A quelques jours de la
réunion du Conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) à Kingston, en
Jamaïque, il est temps pour le gouvernement français de transformer cette déclaration sur la
scène internationale en actes et de tout faire pour que l’exploitation industrielle des fonds
marins ne puisse pas commencer dès juillet 2023. Il y a urgence à agir et à ce que le
gouvernement porte avec détermination des positions claires et cohérentes avec cet
engagement à s’opposer à l’exploitation des fonds marins.


En juin 2021, l’entreprise minière canadienne The Metals Company (TMC) et l’État insulaire
de Nauru ont lancé un compte à rebours de deux ans à l’AIFM pour achever l’adoption des
règles, règlements et procédures nécessaires afin d’ouvrir la voie à la délivrance des permis
d’exploitation des grands fonds marins. Il ne reste plus que neuf mois avant cette date
butoir. Depuis lors, le Conseil de l’AIFM a adopté un plan de travail accéléré afin de tenter
d’achever et d’adopter ces règlements d’exploitation d’ici juillet 2023. Des négociations
portant sur le projet de règlement pour les futures licences d’exploitation minière en eaux
profondes sont en cours et vont se prolonger du 31 octobre au 11 novembre, lors de la
réunion du Conseil de l’AIFM à Kingston. L’urgence de la situation est également renforcée
par la délivrance en septembre dernier d’un permis «test» autorisant TMC à extraire 3600
tonnes de métaux dans la zone Clarion Clipperton, au cœur de l’océan Pacifique. A l’heure
actuelle, son navire le Hidden Gem est en opération de test d’extraction minière dans cette
zone.


La France co-organise la prochaine Conférence des Nations Unies sur les océans qui aura
lieu en 2025. Dans cette perspective, elle se doit d’être à l ‘avant-garde de la protection de
l’Océan et des écosystèmes marins. Nous attendons de la France lors de la réunion du
Conseil de l’AIFM la concrétisation politique de la déclaration de Lisbonne, par des
positionnements clairs et cohérents.


Nous demandons donc au gouvernement de :

  1. Promouvoir et défendre auprès de l’AIFM un moratoire sur l’exploitation minière
    marine, d’une durée minimale de 10 ans, jusqu’à ce qu’il ait été démontré, grâce à
    des études scientifiques indépendantes, que cette activité extractive n’engendre
    aucune perturbation sur les écosystèmes marins ni aucune perte de biodiversité
    marine.
  2. Voter contre l’adoption par l’AIFM du règlement pour l’exploitation minière en juillet
  3. Ce cadre réglementaire donnera le feu vert pour l’exploitation minière des
    fonds marins et il existe encore bien trop d’incertitudes scientifiques sur les eaux
    profondes et les risques associés. L’adoption de ce cadre réglementaire nécessite un
    consensus des 36 membres votants du Conseil de l’AIFM.
  4. Initier ou soutenir des démarches préventives pour empêcher l’approbation de
    contrats provisoires d’exploitation minière au sein de l’AIFM (plans de
    travail/émission de contrats), en vertu de la règle des deux ans. Même en l’absence
    d’un cadre réglementaire, des contrats provisoires pourraient être soumis à partir de
    juillet 2023. Le Conseil de l’AIFM devra se positionner sur ces demandes.
  5. Lancer un processus de révision et de réforme de l’AIFM pour en réformer la
    structure et le fonctionnement afin de garantir un processus décisionnel et
    réglementaire transparent, responsable, inclusif et respectueux de l’environnement.
  6. Adopter une interdiction de l’exploitation minière des fonds marins dans les eaux
    relevant de sa juridiction nationale.
    Cet appel à soutenir un moratoire sur l’exploitation des fonds marins et les points qui suivent
    font l’objet d’un projet de Proposition de résolution à l’Assemblée Nationale, annoncé
    aujourd’hui. La Proposition de résolution, déposée par Nicolas Thierry (Ecologiste – NUPES)
    et co-signée par Sabrina Sebaihi (Ecologiste – NUPES), Jimmy Pahun (Démocrate –
    MoDem et Indépendants), Alma Dufour (La France Insoumise – NUPES), Sébastien Jumel
    (Gauche démocrate et républicaine – NUPES), Stéphane Delautrette (Socialistes et
    apparentés – NUPES), Michel Castellani (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires),
    Sophie Panonacle (Renaissance), Moetai Brotherson (Gauche démocrate et républicaine –
    NUPES), Hubert Wulfranc (Gauche démocrate et républicaine – NUPES), Anne Stambach
    Terrenoir (La France Insoumise – NUPES), Sandrine Le Feur (Renaissance), Eléonore
    Caroit (Renaissance), Jean-Félix Acquaviva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et
    Territoires), Iñaki Echaniz (Socialistes et apparentés – NUPES), Antoine Vermorel (LR),
    invite le gouvernement à mettre en place un moratoire sur l’exploitation minière des fonds
    marins.
    Nous appelons la France à rejoindre la mobilisation grandissante face à l’inquiétude de
    l’imminence d’une possible exploitation industrielle des fonds marins et à avoir le courage de
    transformer la déclaration du Président en décisions politiques. De nombreuses institutions
    et organisations telles que le Parlement européen, la Commission Européenne, l’Union
    Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) ou encore une coalition de plusieurs
    centaines de parlementaires du monde entier, ainsi que la communauté scientifique et les
    ONG environnementales entre autres, appellent à un moratoire ou une pause de précaution
    sur l’exploitation industrielle des grands fonds. Ils ont été rejoints par l’industrie de la pêche
    représentée au sein des Conseils Consultatifs de l’UE pour la pêche lointaine, pour les
    stocks pélagiques et pour les eaux occidentales australes et par des entreprises
    technologiques et automobiles telles que Google, BMW, Renault, Volvo, Philips, Samsung.
    Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan de 2022, le Président de la
    République des Palaos a lancé une Alliance de pays appelant à un moratoire sur
    l’exploitation minière en eaux profondes. Fidji, Samoa et les États fédérés de Micronésie ont
    depuis rejoint l’Alliance.

En juin dernier, le Chili a demandé une pause de précaution de 15 ans sur l’adoption de
réglementations autorisant l’exploitation minière en eaux profondes
Lors des récentes réunions de l’AIFM, un nombre croissant de pays dont le Costa Rica,
l’Afrique du Sud, ou l’Espagne, entre autres, demandent plus de temps afin de permettre
une prise de décision informée par la science.


Nous attendons donc du ministère de la transition écologique et de la Cohésion des
territoires du Secrétaire d’État à la mer, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
du Secrétaire général à la mer, de l’Ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, ainsi
que des services compétents, de s’approprier l’ambition de la déclaration de Lisbonne et de
saisir l’opportunité pour la France d’être un acteur majeur de la protection des océans. La
réunion du Conseil de l’AIFM qui commence lundi prochain permettra d’en juger.

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